6666
jours sur le web
et
toujours ce même
étonnement
par Erik Van Rompay
http://vanrompay.online.fr
10 septembre
2009… c’est
fait ! Je viens de passer la barre des 6666 jours
sur le net et il est temps de partager quelques souvenirs ainsi
quelques réflexions.
Je me suis connecté pour la
première fois dans
la soirée du 10 juin 1991. J’avais
besoin, en tant que responsable du bureau d’études
d’Euro Disney, d’échanger rapidement
des plans informatiques avec les experts de Walt Disney en Californie.
L’envoi
par courrier style Fedex était impossible et je devais
mettre en
place une nouvelle
méthode de travail. En utilisant bien le décalage
horaire
entre les deux
bureaux d’études, je pouvais travailler 2 fois 10
heures
par jour sur un même
dossier sous condition de disposer d’un outil très
innovant.
L’installation était
simple avec un PC (un 286),
un petit
modem et une
prise téléphonique. Une simple interface sous
MS/DOS me
permettait d’envoyer un petit
texte
à une seule
personne
(impossible d’envoyer à plusieurs personnes, ni
d’utiliser des caractères
français) et je pouvais même attacher un fichier
Word ou
Excel tant que son
poids ne dépassait pas les 30ko (donc quasi rien). Mais
c’était suffisant pour
passer des consignes entre les deux bureaux. A coté du mail,
je
pouvais transférer
mes fichiers (des plans informatiques) par FTP en tapant des lignes de
commandes sous MS/DOS. Il fallait être ingénieur
pour bien
maîtriser cette
usine à gaz et il n'était pas rare de
lancer 5 fois
la numérotation pour décrocher la
connexion.
Naturellement,
nous n’avons jamais fait
confiance à cet
outil et à chaque
envoi, nous avons appelé l’autre coté
(donc la
Californie pour moi) pour leur
informer d’un envoi de mail… et surtout au
début,
nous avons également faxé le
tout pour être sur que nous travaillons avec les
mêmes
informations.
Recevoir 2 messages par jour était un grand
maximum… et
si c’était le cas, nous
étions heureux comme le système avait bien
fonctionné la nuit.
Quelques mois
plus tard,
j’ai
également reçu un
document pour appel à
commentaires parlant de la mise en place d’un protocole http
pour
les
documents. On ne parlait pas de sites web mais d’une nouvelle
manière de créer
et d’utiliser des documents. Personnellement, je
n’ai pas
bien compris pourquoi
on devait éclater un document dans une multitude de
documents
pour les relier
ensuite avec des liens hypertexte. Ceci demandait beaucoup de travail
quand au
même moment, nos outils (sous MsDos) permettaient
déjà de trouver en moins de 3
minutes n’importe quel mot dans
l’ensemble
des documents présents sur le
serveur. Bref, je ne voyais pas
l’intérêt et je me
suis contenté à envoyer un
seul commentaire sur ce document. C’était pour
remplacer
le mot
« homepage » par
« doorpage » en expliquant que la
« doorpage » était la
porte
d’entrée pour découvrir le document
(même
aujourd’hui, je ne vois toujours pas le lien avec
« maison »).
J’ai revu ce fameux http pour la première fois en
live le
6 juin 1995 dans
les locaux d’Apple à Cupertino.
C’était un
vrai « D-Day » pour moi
quand une 60aine d’ingénieurs sur le plateau se
sont
soudainement pressés vers un
coin de la pour voir une nouveauté…
Après 4 essais
(ce
ne marchait jamais du premier coup),
le modem a réussi à se connecter
sur Internet et l’écran affichait un site
expérimental permettant d’écouter 30
secondes de « Start me up » de
Rolling Stones
pour afficher ensuite le
bouton « Buy me now » avec une
solution
bêta de paiement en ligne. J’étais
bluffé et convaincu du potentiel de ce que je venais de
découvrir. De retour en
France quelques jours après, j’ai toute de suite
essayé de le mettre en place…
mais c’était beaucoup trop tôt. Trop
instable,
même pas 70.000 abonnés potentiels
en France, sans solution de paiement en ligne disponible en France.
Même un
éditeur html simple n’existait pas encore et
j’ai
vendu mon premier site en
écrivant tout le code, caractère après
caractère, en utilisant l’application
« notepad ».
Une galère qui me coûtait 4 heures de temps par
page. Sur
Internet, pas de moteur de recherche pour trouver des sites et
même les serveurs DNS étaient
régulièrement
en panne. Pour contourner ce problème, j'avais
créé un carnet avec les adresses IP des sites
permettant
de tapper du http://141.146.9.91 au lieu du www.lesite.com pour me
connecter.
Je me suis donc
vite
concentré vers
l’évangélisation des
bénéfices de
l’Internet envers les grands groupes et la manière
que
cette nouveauté pouvait
transformer leurs organisations. Ce n’était pas si
évident comme il fallait également
convaincre les directions informatiques qu’il existait autres
choses que des
mainframes, des écrans de terminal et des protocoles SNA.
6666 jours plus
tard,
le monde a bien changé.
J’ai créé des portails
livrant des services en marque blanche à une 50aine de
sites ; j’ai déployé
des extranets connectant plus de 500 points de vente et des sites
comptant plusieurs
millions de pages vues par mois. Et j’ai toujours
gardé
ces sentiments du début
avec une partie
« curiosité », une
partie
« défi technologique »
et une partie de
« méfiance ».
Fin
juillet 2009, mon accès Internet a
été basculé en dégroupement
totale
sans prévenir (le fait de ne pas avoir
été
prévenu montre bien que l’Internet
Français est toujours une question technique et pas une
question
de services,
sinon l’opérateur m’aurait
prévenu).
Résultat, une rupture du service pendant
33 jours. Plus d’internet, plus de
téléphone, plus
d’accès à la
société de
l’information pour quelqu’un qui lit tous ses
journaux et
l’info du jour sur le
web. Bref, je me méfie à nouveau de
l’Internet et
j’ai commencé à appeler à
nouveau les gens pour demander s’ils ont bien reçu
mon
email.
Et ce
n’est pas tout. J’ai
basculé fin août ma
réception télévision sur la
TNT. Je me retrouve donc avec plus de chaînes…
mais sans
TF1 et je reçois
maintenant France 3 Dijon. Un peu bizarre d’être
forcé de recevoir cette chaîne
régionale pour quelqu’un qui habite en
Ile-de-France. Et
comme chez plusieurs
voisins, une partie des chaînes de la TNT disparaît
à 21h30 pour revenir autour
de 22h20. Le numérique n’est pas encore si fiable
qu’on prétend. Bref, je me
méfie à nouveau, comme en 1991, du
numérique.
Mais la
vision de la
société envers l’Internet a
également
changé. L’idée de connecter toute la
société grâce à la
simplicité
d’Internet a évolué vers des discours
multiples
et complexes. La bulle d’internet n’a pas
réussi
à créer une société du
savoir
mais une explosion de documents dans laquelle il est quasi impossible
de
trouver une réponse pertinente à une question
précise.
Même chose
coté discours
politique. Au lieu de se concentrer sur les
bénéfices et
les usages de
l’Internet, nous discutons trop de
l’infrastructure, sur
les investissements associés
et des jeux de pouvoir pour maintenir l’ancienne
économie
(dont Hadopi et la 4ème
licence ne sont que des chapitres).
Peut-être
faut-il revenir
vers la création de valeurs (à noter, valeurs
avec un s),
une meilleure utilisation
du numérique pour gagner en commodité, en
compétitivité… et en instaurant un
Internet
de partage du savoir et de connaissances sur lequel il est à
nouveau possible
de trouver des informations pertinentes et actualisées.
Il
est vrai
qu’après 6666
jours sur le net, je découvre encore tous les jours des
innovations mais je me
méfie également. Peut-être faut-il
encore attendre
6666 jours pour que ce rêve
d’un Internet de services et de commodités
devienne une
réalité. Qui sait.
Erik Van Rompay -
10 septembre 2009 - Texte totalement écrit sur un smartphone
(je
continue à me lancer des défis technologiques)
QUI
SUIS-JE ...
Et pour savoir ce que je fais aujourd'hui - Mars 2015, je vous invite à consulter le site : www.pnoconsultants.fr
ou de lire mes articles : https://www.linkedin.com/today/author/429864
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